L'histoire de la « marque » Arnold 1.2.3.
(1985/1989)
La période de création de vêtements sous le nom d'Arnold 1.2.3. (« traduction » de mon prénom, suivi de la numérotation des deux suivants et de mon nom de famille) débute à la fin de l'année 1984, lorsque je rencontre dans une fête à Yerres une jeune femme, Sylvie Ugolini, de quelques années mon aînée. Accompagnée de ses amies (Isabelle, Corinne…), je découvre une jeune femme brillante, élégante, généreuse et alerte, qui fabrique ses propres vêtements.
Je suis particulièrement sensible à son style vestimentaire, à une époque où je cherche moi-même à me distinguer, sans avoir les moyens d'acheter les tenues qui me plaisent. Sylvie coud, et c'est elle qui m'invite à essayer à mon tour. Ma mère, sur les conseils d'une amie, a acheté une machine à coudre dont elle ne se sert pas. J'en profite et me rends au Marché Saint-Pierre, au pied de la butte Montmartre, pour acheter un coupon de satin noir et me confectionner un premier pantalon. Totalement novice, je couds les deux jambes ensemble. Cette erreur ne m'arrête pas, je persévère et commence à me fabriquer des vêtements, que je porte d'abord pour des occasions spéciales (soirées dansantes, discothèques, carnaval…), puis, petit à petit, courageusement, au quotidien… Le lycée de Montgeron où je suis en seconde devient le théâtre de cette mise en scène, parfois spectaculaire…
Au printemps 1985, Sylvie quitte Yerres et la France pour rejoindre son père à Senigallia, une petite ville des Marches, dans la province d'Ancône, en Italie. Son départ m'attriste et elle manque à notre bande d'amis, mais nous entretenons une correspondance. Elle me parle de ses amis, notamment d'Enrico Castelli, styliste. Elle m'invite à venir les rejoindre en août pour un mois de vacances. Un défilé d'Enrico est prévu à Ancône, sur le thème de l'Égypte, et il m'offre la possibilité d'en assurer la première partie.
Je saisis l'opportunité et couds vingt pièces. Avec ce groupe d'amis français de Sylvie, nous prenons un train de nuit depuis la gare de Lyon, direction Senigallia (via Domodossola, Milan, Bologne, Rimini… en train direct). Sur place, nous louons un rez-de-chaussée proche de la mer.
Je fais la connaissance d'Enrico et de son amie Angela Allegrezza, dont la réputation la précède : « Fotomodella dell'anno ». Une magnifique jeune femme brune, à laquelle je m'attache immédiatement. Grâce à ces nouvelles rencontres, un monde s'ouvre à moi : soirées, défilés, nuits électrisantes dans les discothèques de la côte adriatique, épicentre de la fête en Italie centrale ces années-là.
Je participe comme mannequin à un défilé d'Enrico à la Capannina, discothèque de Torrette di Fano, et organise avec lui celui d'Ancône. C'est là que je pose les bases de ce qui deviendra le principe de mes présentations : un spectacle en tableaux, où les vêtements sont mis en scène dans des saynètes chorégraphiées, accompagnées de musique. Ce modèle est directement inspiré par le travail d'Enrico, jusqu'à la séquence de trois minutes musicales établie pour chaque tableau.
Peu à peu, je me détache de Sylvie et des amis français qui m'avaient accompagné – même s'ils participent comme mannequins au défilé d'Ancône. Je suis absorbé par l'univers d'Angela et d'Enrico, qui m'ouvrent les portes d'un monde d'effervescence artistique, où se mêlent mode, photographie, danse et musique. Je fais aussi la rencontre de Renzo Quarto, DJ qui me fait découvrir la musique italienne des années 70, qu'il fusionne avec les premiers sons de house music, dont il est l'un des promoteurs en Italie.
Je rentre en France galvanisé. Ma relation avec Angela se poursuit par correspondance, et je me plonge avec passion dans la couture. D'abord pour moi-même, puis pour bâtir une « collection » que je présente sous forme de défilés, principalement dans des discothèques.
Ce seront ainsi quatre années de création et de couture, tant pour créer mes propres vêtements que pour dessiner les costumes que je destine à Angela, qui demeure ce modèle, sujet principal de ma fantaisie créatrice. Je parviens, de temps en temps, quand le budget le permet, à la faire venir en France pour un défilé, et elle fera elle-même l'expérience d'un séjour long à Paris pour tenter de s'y installer comme mannequin, mais elle y renoncera après quelques mois seulement.
Sa brutale disparition sur une route d'Autriche, au retour d'un shooting de photos de mode, outre qu'elle me bouleversera profondément, marquera la fin de ce temps de création vestimentaire, et je m'éloignerai définitivement de la mode et de la couture.