[English below]
En février 1989, à Rome, je voyage avec mon amie Natalia de Barros. Nous accompagnons Françoise Parfait, plongée dans ses recherches sur les plafonds peints du Carrache, dans le cadre de sa préparation à l’agrégation d’Arts Plastiques. Entre études et promenades, nous découvrons la ville, ses églises et ses palais, sous une pluie incessante, réputée acide — les premières précipitations depuis des semaines, imprégnées de pollution. Notre exploration nous mène également au quartier de l’E.U.R., où je suis captivé par l’architecture rationaliste héritée du régime fasciste. Parmi ces édifices, le Palais de la Civilisation Italienne, érigé entre 1938 et 1940 par Giovanni Guerrini, Ernesto Lapadula et Mario Romano, m’impressionne particulièrement. Ce bâtiment, un monumental cube blanc orné de statues colossales, porte sur son fronton une inscription tirée d’un discours de Benito Mussolini : « Un popolo di poeti, di artisti, di eroi, di santi, di pensatori, di scienziati, di navigatori, di trasmigratori » (« un peuple de poètes, d’artistes, de héros, de saints, de penseurs, de scientifiques, de navigateurs, de migrants »).
In February 1989, in Rome, I traveled with my friend Natalia de Barros. We were accompanying Françoise Parfait, immersed in her research on Carracci’s painted ceilings as part of her preparation for the agrégation in Fine Arts. Between studies and strolls, we explored the city, its churches, and its palaces under relentless rain—said to be acid rain—the first precipitation in weeks, saturated with pollution.
Our explorations also led us to the E.U.R. district, where I was captivated by the rationalist architecture inherited from the fascist regime. Among these buildings, the Palazzo della Civiltà Italiana, built between 1938 and 1940 by Giovanni Guerrini, Ernesto Lapadula, and Mario Romano, particularly impressed me. This monumental white cube, adorned with colossal statues, bears an inscription on its façade taken from a speech by Benito Mussolini: “Un popolo di poeti, di artisti, di eroi, di santi, di pensatori, di scienziati, di navigatori, di trasmigratori” (“A people of poets, artists, heroes, saints, thinkers, scientists, navigators, migrants”).
« Revoir une image », c’est parier sur un retour vers une photographie issue de mes archives, réalisée par moi-même ou un membre de ma famille, ou un.e ami.e. À chaque image, j’adjoins un commentaire, une légende aussi factuelle que possible, pour faire émerger, du souvenir, la présence d’un instant suspendu à l’oubli.
Le geste de « revoir une image » devient ici une tentative de réactiver la mémoire enfouie, non pas en la forçant, mais en la laissant émerger à travers une description. Cette démarche invite à interroger le rapport entre l’image, l’oubli, et le souvenir : que reste-t-il d’un instant photographié lorsque les émotions qui lui étaient liées s’estompent ? En adjoignant une légende factuelle, je propose un « lieu » qui permet à l’image de « parler » par elle-même, libérant une interprétation plus universelle. Cet « instant suspendu » devient alors un point de rencontre entre un regard passé et présent, mais aussi entre l’intime et le collectif.
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