Écrit qui a pour objet l'histoire d'une vie particulière.
Familier du mélange des genres, le travail d’Arnold Pasquier s’établit dans la rencontre et le croisement des disciplines.
Documentaires et fictions, danse contemporaine et installations multimédias, radio : les formes sont expérimentées au profit d’une œuvre dont chaque pièce constitue une partie d’une recherche sensible, où l’être humain est accompagné avec attention et sentiment.
Cinéphilie
Mon rapport à l’art est, au départ, un rapport au cinéma. Petit garçon, les films de Charles Chaplin m’ont persuadé de faire du cinéma. La rétrospective présentée à la mort de l’artiste m’a soudain ouvert un monde de fiction, où le geste burlesque s’accompagnait d’une intense émotion communicative. Puis, ceux de Marcel Carné, de Josef von Sternberg et d’Erich von Stroheim ont profondément marqué mon passage à l’adolescence, qui était cinéphile. J’allais au cinéma plusieurs fois par semaine.
J’ai occupé des responsabilités variées — projectionniste, animateur et même directeur d’une salle d’art et d’essai jusqu’à la destruction de notre salle du Palace, à Brunoy, en Essonne, par la promotion immobilière. La rencontre de l’art contemporain dans mon cursus scolaire, à travers la peinture et la vidéo, a mêlé mon rapport au cinéma classique, alors que je me rapprochais de formes plus expérimentales. Mais le récit cinématographique demeure. Il avance, discret mais présent, dans mes essais vidéo et réapparaît régulièrement sous la forme de scénarios qui confirment mon goût pour la narration.
Art vidéo
Étudiant en cinéma audiovisuel à la faculté de Paris 1 Sorbonne – Saint-Charles, l’enseignement des pratiques liées à la vidéo me paraît beaucoup plus stimulant, inventif et riche de possibilités de réflexion. Avec Anne-Marie Duguet, Paul Devautour et d’autres professeurs, j’ai eu accès aux domaines de l’art vidéo, de l’installation et aux débuts de l’image calculée.
Cette découverte, accompagnée du développement des moyens de tournage léger (apparition de la vidéo 8), m’a fait entrer dans un mode d’expression qui influença dès lors mon travail. J’ai cadré presque tous mes films, du fait de cette production autonome mais aussi par goût. Je suis également chef opérateur pour des projets tournés en vidéo, dont le plus récent est un film de fiction.
Danse contemporaine
Alors que j’avais trouvé dans la littérature et dans les films l’origine de ce « monde qui s’accorde à nos désirs », le spectacle chorégraphique m’a apporté une vision singulièrement incarnée du corps. Mais la danse, irréductible à mon seul plaisir, réalisait un projet autonome qui m’obligeait à l’éveil.
Je suis attentif aux gestes, à la fabrication, à l’expérience par le contact. Je m’intéresse aux espaces où les corps des hommes et des femmes sont conscients les uns des autres. Mon travail accompagne les visages et les corps. Le cadre et la scénographie dans laquelle ils évoluent sont révélateurs de trajectoires, de déplacements. La ville traversée est une scène active ; les lieux sont la raison des actions qui s’y déroulent, ils participent du jeu en raison de leur qualité scénographique.
Et si, pour interpréter mes personnages, je fais souvent appel à des danseurs, c’est parce que je sais qu’ils ont l’habitude d’entendre ce que je ne sais pas dire et que je tente de construire à l’aide de leur corps, dans le cadre du plan.
Ateliers radiophoniques
Mon parcours m’a conduit vers le domaine radiophonique par le travail des bandes-son de mes films. Notamment au Fresnoy, Studio national des arts contemporains, où les moyens dont nous disposions m’ont permis d’envisager ce qui m’apparaissait jusque-là comme négligé dans mon travail.
Grand amateur de radio, c’est en proposant des essais et des documentaires que j’ai rejoint l’équipe des producteurs délégués de l’Atelier de Création Radiophonique de France Culture, où je réalise des pièces qui sont pour moi des façons de poser des questions auxquelles je tente de répondre : peut-on faire entendre de la danse à la radio ? Comment exprimer un sentiment amoureux par le son ?
Mise en scène
Mon intérêt pour le cinéma était lié au plaisir et au désir de jouer la comédie. J’ai étudié le théâtre quelques années au Cours Simon, puis je me suis intéressé à la danse contemporaine et j’ai été interprète dans plusieurs spectacles.
Pendant mes années de lycée, j’ai expérimenté la mise en scène en travaillant sur des défilés-spectacles pour lesquels je créais des costumes Arnold 1•2•3. Cet intérêt s’est poursuivi à travers des projets où j’ai conçu des scénographies, principalement à base d’images projetées, ainsi que des mises en scène de spectacles lyriques.
Interdisciplinarité
À la fin des années 80, j’ai été interdisciplinaire sans le savoir, bien qu’un peu isolé. Jeune artiste, j’éprouvais des difficultés à produire un travail alliant récit, danse et documentaire. C’est ce qui a initié une série de projets auto-produits, réalisés en vidéo.
L’ouverture du Fresnoy, Studio national des arts contemporains, en 1997, a été pour moi une révélation et une chance. J’y trouvais enfin un lieu dont le programme pédagogique encourageait le mélange, « l’impureté », selon les propres termes de son directeur, Alain Fleischer.
C’est là que j’ai pu trouver l’élan nécessaire pour expérimenter des projets comme une installation-promenade, où le spectateur passait d’une installation vidéo à une installation photographique, puis d’une projection de diapositives sur le toit, accompagnée d’une bande sonore, à un film projeté dans une salle de cinéma.
C’est ici que je donne des baisers était une forme de synthèse de mes désirs de réalisation et la réserve de mon travail à venir. L’année suivante, je présentais dans la grande nef du Fresnoy le spectacle C’est Merveilleux, où, sur un texte écrit pour dix danseurs et acteurs, nous avons travaillé sur le thème de L’Amour de Loin, forme poétique d’amour courtois apparue au XIIe siècle en Occitanie.
30 Septembre 2005 
Arnold Pasquier
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