La Fabrique des films est une exposition à l’initiative de pointligneplan, présentée du 6 juin au 16 juillet 2012 à la Maison d’Art Bernard Anthonioz de Nogent-sur-Marne, sous la direction de Jean Breschand et Christian Merlhiot.
Avec : Thomas Bauer, Jean Breschand, Érik Bullot, Alain Declercq, Vincent Dieutre, Philippe Fernandez, Valérie Jouve, Bouchra Khalili, Ange Leccia, Christelle Lheureux, Julien Loustau, Nora Martirosyan, Christian Merlhiot, Valérie Mréjen & Bertrand Schefer, Arnold Pasquier, Noëlle Pujol, Philippe Terrier-Hermann.​​​​​​​
Alors que le cinéma s’expose régulièrement dans les musées depuis 20 ans en déclinant toutes formes de variations, cette exposition envisage de rendre visible le contretype des films. Comment naît un film ? Quelle écriture, quelles images, quelles voix rendent comptent du projet ? Quels documents produisent artistes et cinéastes pour se représenter leur travail, en suivre le chantier ? Mais aussi quelles sont les fausses pistes, les idées abandonnées, les collaborations impossibles ? Comment un film change-t-il sans cesse d’aspect au cours de sa genèse ?
En partenariat avec la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques, la Maison d’Art Bernard Anthonioz accueille 18 artistes et cinéastes de pointligneplan. Chacun revient sur sa pratique pour en élucider un des mouvements, ressaisissant un fragment de film passé ou à venir afin d’en révéler le cheminement, les traces et le devenir.
Après plus de dix années d’un travail critique, d’édition et de diffusion de films au croisement du cinéma et de l’art contemporain, pointligneplan expose les chantiers du cinéma aujourd’hui.

La Fabrique des films (séminaire) - Arnold Pasquier

Pour l’exposition de La Fabrique des Films, j’ai choisi de présenter l’ensemble des séquences qui ont été tournées entre le mois de janvier et le mois de mai 2012 (avec un prologue réalisé en février 2011 à Wuppertal, en Allemagne) pour le film de fiction Si c’est une île, c’est la Sicile. Ces séquences représentent — mises bout à bout — 6h40 de projection, alors que le film achevé dure 45 minutes. C’est donc à l’ensemble du film que j’invite le spectateur, qui peut (idéalement) voir l’intégralité de ce que « fabrique » cette fiction. Il verra ce qui a été gardé, ce qui est perdu. Avec le système de titres qui ouvrent les séquences dans un ordre libre, c’est à lui de composer, pendant quelques instants ou quelques heures, un film qui assemble des fragments au gré d’un mouvement toujours recommencé. Certaines séquences sont montées, d’autres plus lâches. Elles ont été assemblées pour donner une idée du projet, alors même que leurs durées ne leur permettaient pas de rejoindre l’histoire. Ainsi la séquence "Être protégé", dure 26 minutes, ou "Le regard de quelqu’un qui travaille, c’est peut-être LE regard", 43 minutes.
Fabriquer un film est un appel (impérieux, absolu, exclusif) auquel je réponds. Ce peut être un titre qui surgit : « C’est ici que je donne des baisers » dans La Mort de Tintagiles de Maurice Maeterlinck, mis en scène par Claude Régy au Théâtre Gérard Philipe en 1997. Ou « Celui qui aime a raison » attrapé au vol à la sortie d’une projection de pointligneplan à la Fémis; déclaration du cinéaste Vincent Dieutre, formule qui ramasse soudain un sentiment, des images, des sensations et qui annonce le film. J’ai dans mes notes des titres comme des formules magiques éteintes et qui attendent.
Vient le temps de l’écriture : le scénario, ses versions, ses lectures ; des abandons et des retranchements. Le titre demeure comme une attache au premier mouvement du film, même s’il disparaît. ainsi J’ai un fiancé s’est transformé en Démolir! puis L’Italie au terme d’une 77 écriture de quatre années et trente versions successives.
Je fabrique un nouveau film : Si c’est une île, c’est la Sicile (titre trouvé au fond d’une assiette à dessert) qui raconte l’histoire du dernier film. Pas le mien ! Celui du cinéaste arnold Pasquier qui tourne à Pantin un documentaire avec un groupe d’artistes fuyant la menace de leur disparition. Car tous les artistes s’évanouissent mystérieusement de la surface de la terre. Ces exilés sans œuvres, sans lieux de diffusion, sans publics, retranchés dans un conservatoire de musique inventent une vie nouvelle, une société qui est elle-même l’invention d’une forme d’aimer.
Le film est réalisé sans scénario et à partir de titres proposés aux acteurs lors de sessions d’improvisations. Les réponses sont mises en scène, filmées et composent l’histoire, fragment par fragment. de mon point de vue de réalisateur qui fait partie du groupe de fugitifs, j’oriente les questions vers ce que je veux voir (une dernière fois ?). C’est une conversation avec ce que les acteurs veulent montrer. Le film est à la fois l’histoire d’un groupe d’expulsés de l’intérieur et le témoignage d’un groupe au travail. Tout est dans le champ : le décor, les acteurs, 
l’équipe technique qui entre dans la fiction au même titre que l’architecte, le danseur, le poète. Le film s’illumine le jour où nous sommes rejoints par un directeur de la photographie. il est musical si un musicien compose et joue en direct. et il sera toujours dansant parce que je m’intéresse aux mouvements entre les gens.
J’expose tous les éléments de la fabrique : le lieu, Pantin comme une île, territoire qui retient provisoirement les artistes au seuil de leur disparition; les acteurs dans leur propre rôle (je laisse à chacun le choix d’interpréter une discipline artistique, puisqu’il n’y a pas d’œuvre à créer, mais une absence de pratique à penser); et l’équipe du film qui est le film, au miroir du film.
Le cadre étant posé, cela permet de me concentrer sur l’autre « appel » de mon cinéma : le visage. qu’a-t-il à me dire qui me regarde ? qu’est-ce qui recommence toujours ? 81 qu’est-ce que je fabrique là ? une vie nouvelle à chaque plan, l’invention d’une relation qui dure (le temps d’un plan). une bonne journée de tournage, c’est un jour où l’on a été heureux ensemble, sans s’en rendre compte.
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