
2018 • HD • 9’42’’
Installation vidéo deux écrans ou projection film monobande (split screen).
Séquence [le jour]
Cretto di Alberto Burri, Gibellina Vecchia, Sicile
avec Benjamin Lazar, Giorgio Lisciandrello, Nicolaï Johnson.
Séquence [la nuit]
Via Elevada Presidente João Goulart « Minhocão », São Paulo, Brésil
avec Felipe Stocco, Ana Teixeira, Rodrigo Andreolli & la voix d’Otávio Filho.
Réalisation, image, mixage : Arnold Pasquier
Étalonnage : Ishrann Siljidjian
Son : Osmar Zampieri
Deux paysages creusent une absence et révèlent la possibilité d’une rencontre.
Côte à côte, une sculpture monumentale recouvre les ruines du village de Gibellina, en Sicile, détruit par un tremblement de terre. Plus loin, une voie rapide coupe irrémédiablement en deux un quartier populaire d’immigration italienne à São Paulo, au Brésil.
Ce cercueil blanc, cette coulée de béton sur pilotis, deviennent le théâtre d’une nouvelle scène où, de jour comme de nuit, un amour s’invente—comme on invente une forme d’aimer.
Two landscapes carve out an absence and reveal the possibility of a meeting.
Side by side, a monumental sculpture blankets the ruins of Gibellina, a Sicilian village destroyed by an earthquake. Further away, a highway irreversibly splits a working-class neighborhood of Italian immigrants in São Paulo, Brazil.
This white coffin, this flow of concrete on stilts, becomes the stage for a new scene where, day and night, a love is invented—just as one invents a way of loving.
La réalisation de ce film/installation s’inscrit dans une série intitulée L’amour moderne. Elle propose d’interroger les conditions d’une expérience sentimentale en relation avec un paysage et d’inventer la forme spectaculaire d’un amour contemporain. Chaque partie explore la représentation des relations amoureuses aujourd’hui.
Ma première question pourrait être : « Comment aime-t-on aujourd’hui ? », voire : « Comment aimeriez-vous être aimé, maintenant ? » J’y réponds par des films et des performances, autant d’épisodes d’un art d’aimer contemporain, allégorique, fragmentaire, insensé.
La question du sentiment amoureux et de sa forme cinématographique occupe mon cinéma depuis mes premiers films et se prolonge dans toutes les formes que j’ai pu approcher : spectacle théâtral avec C’est merveilleux (1999), Atelier de Création Radiophonique pour France Culture avec Ça, c’est l’amour (2002), documentaire sur la création d’un spectacle chorégraphique avec Notre amour (2009). Ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant l’histoire d’amour en elle-même, ni son intimité, mais ce qu’elle transforme dans le corps des personnages, comment elle engage leurs comportements et les inscrit dans un ensemble de signes qui sont autant de façons de parler de soi et des autres.
Assez naturellement, après le visage, je me suis intéressé au paysage, et par là, aux villes. En m’éloignant de l’anecdote et du récit des passions, je cherche à porter le regard vers un milieu, une scène magnifiée par l’attention que les personnages portent à ces espaces. Un panorama se déploie alors, vibrant de points sensibles qui, assemblés, forment une suite de propositions, une phrase, et peut-être même la ponctuation d’une lettre d’amour.
Ce qui est devenu une série – une suite de pièces diverses rassemblées sous un même titre générique – a débuté à l’invitation d’un festival de cinéma en Sicile, qui m’a commandé le film-annonce de son édition 2015. Amore Moderno est un film chorégraphique réalisé avec des danseurs du Tanztheater Wuppertal, où les corps s’enlacent, s’embrassent et dessinent un paysage sentimental.
Le projet s’est poursuivi à l’invitation de la Fémis en mars 2017, qui m’a offert une carte blanche pour une réalisation impliquant les étudiants de l’école de cinéma et ceux du Conservatoire d’art dramatique de Paris. Ce travail, L’amour moderne [Paris], a été présenté sous la forme d’une projection mêlant films, actions chorégraphiques et théâtre.
En juillet 2017, à São Paulo, dans le cadre du festival de performances VERBO de la Galeria Vermelho, j’ai proposé à trois danseurs de composer une partition de rencontres amoureuses, autant d’épisodes d’une Carte du Tendre paulista. Dans L’amour moderne [Minhocão], la modernité résidait dans notre liberté d’explorer diverses dimensions de l’amour et de l’inscrire dans un paysage urbain. Un film de 30 minutes, projeté sur le mur de la galerie, servait de décor : un plan-séquence d’un travelling de nuit tout le long du Minhocão, une voie rapide surélevée, emblématique et controversée de São Paulo. Il s’agissait d’inscrire la danse amoureuse des corps dans cette architecture, de faire vibrer l’espace par leur présence.
Lors de ce séjour, j’ai également tourné, avec les mêmes danseurs, un plan-séquence de neuf minutes sur le Minhocão, en écho à un autre plan-séquence réalisé en juin 2017 dans la sculpture du Cretto d’Alberto Burri à Gibellina, en Sicile, avec trois autres interprètes. Ces deux plans-séquences composent l’installation vidéo/film L’amour moderne [la nuit le jour].
Cette suite de propositions constitue une recherche plurielle qui associe l’image, le théâtre, la musique et la danse, s’inscrivant dans le champ de la performance et de l’installation vidéo. Une suite de spectacles qui déploient un panorama sentimental et qui tentent – peut-être – d’inventer une nouvelle forme d’aimer.



