2008 • installation vidéo danse double écrans • 2x20’
Installation vidéo-danse de Julie Desprairies / Arnold Pasquier
Chorégraphie Julie Desprairies
Vidéo/installation Arnold Pasquier
Avec Elise Ladoué, Nedjma Merahi, Olivier Renouf et les céramistes de la Manufacture de Sèvres
Costumes Juliette Barbier assistée de Lucile Vareilles
DESCRIPTION de L’INSTALLATION
L’installation vidéo, une double projection face à face, présente deux films de même durée : Entre les Mains, film réalisé à partir de plans tournés dans les ateliers de la Manufacture de Sèvres. Gros plans, actions brèves, mouvements rapides, il combine des gestes du travail des céramistes à toutes les étapes de l’élaboration et de la fabrication de la porceléne. Le deuxième film Les Trois Contents est une fiction chorégraphique réalisée à partir de ce travail de collecte et d’appropriation par les trois interprètes.
La chorégraphe Julie Desprairies à travaillé régulièrement à la Manufacture nationale de Sèvres à la collecte des gestes de fabrication de la porcelaine et des formes de corps produites par les céramistes (les fameux "biscuits" de Sèvres). Par les matériaux et outils utilisés, le mobilier et le volume des ateliers, la Manufacture est un lieu habité, à la fois photogénique et potentiellement fictionnel. La permanente cohabitation de céramistes dans leurs actions précises et minutieuses, avec des pièces de porcelaine anciennes et contemporaines, sont chaque fois des promesses de fiction.
Arnold Pasquier, vidéaste qui travaille régulièrement pour la danse, a capturé des traces vidéo de la patiente appropriation des mouvements de ce lieu d’exception par la chorégraphe et ses trois danseurs (Elise Ladoué, Nedjma Merahi et Olivier Renouf).
L’installation vidéo, une double projection face à face, présente deux films de même durée : Entre les Mains, film réalisé à partir de plans tournés dans les ateliers de la Manufacture de Sèvres. Gros plans, actions brèves, mouvements rapides, il combine des gestes du travail des céramistes à toutes les étapes de l’élaboration et de la fabrication de la porceléne. Le deuxième film Les Trois Contents est une fiction chorégraphique réalisée à partir de ce travail de collecte et d’appropriation par les trois interprètes.
La chorégraphe Julie Desprairies à travaillé régulièrement à la Manufacture nationale de Sèvres à la collecte des gestes de fabrication de la porcelaine et des formes de corps produites par les céramistes (les fameux "biscuits" de Sèvres). Par les matériaux et outils utilisés, le mobilier et le volume des ateliers, la Manufacture est un lieu habité, à la fois photogénique et potentiellement fictionnel. La permanente cohabitation de céramistes dans leurs actions précises et minutieuses, avec des pièces de porcelaine anciennes et contemporaines, sont chaque fois des promesses de fiction.
Arnold Pasquier, vidéaste qui travaille régulièrement pour la danse, a capturé des traces vidéo de la patiente appropriation des mouvements de ce lieu d’exception par la chorégraphe et ses trois danseurs (Elise Ladoué, Nedjma Merahi et Olivier Renouf).
Le mouvement de la porcelaine
On le sait, il y a d’un côté la vie (le travail, ici à gauche), de l’autre l’imitation de la vie (l’art, ici à droite). L’installation Les Trois Contents nous place exactement dans l’entre-deux, et cette position habituellement inconfortable aujourd’hui nous éclaire. Reprenons, au revers de ces généralités : Julie Desprairies depuis une dizaine d’années installe ses danseurs, sa réflexion au cœur de bâtiments (mairie, immeuble de logements, musée, bibliothèque, etc.) dont elle explore les facettes et les fonctions à l’aide du corps, du geste, du mouvement. Rien de plus massif qu’un bâtiment, rien de plus aérien qu’un mouvement, et pourtant de l’inscription du second dans le premier naît, au-delà de la “beauté du geste”, une mise en évidence, en valeur de l’usage, des usages que le bâtiment secrète, signe de son appropriation, ou au contraire de son rejet, par ses utilisateurs. Magnifiés, placés en légère lévitation au-dessus d’eux-mêmes, ces usages se déploient sous nos yeux, soudain font sens quand dans l’ordinaire des jours et du travail ils s’estompent, se brouillent, se banalisent.
Elle a cette fois davantage encore cerné son objet, et resserré son effort sur les gestes du travail. Rien d’à la fois plus incarné et plus abstrait que le travail. Reprenons de nouveau : que des hommes au début du XXIe siècle puissent encore se livrer, à l’abri de vieux murs imprégnés d’une histoire dont les prémices remontent à 1740, à des activités telles que la fabrication de la porcelaine d’art ou la reproduction de biscuits du XVIIIe siècle, forts d’un savoir-faire d’une patiente subtilité, témoigne d’un degré de sophistication rarement atteint, d’une permanence de civilisation admirable. Cela a quelque chose de profondément rassurant. Julie Desprairies s’est mise au service de ce savoir-faire, de ces gestes, elle a immergé, au sens propre, ses danseurs dans la matière première (comme on le voit à droite), le kaolin, a patiemment mis ses pas dans ceux des hommes que, sur notre gauche, on voit concasser, pelleter, tourner, orner, peindre, souffler, polir, contempler, réfléchir… faire. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on voit petit à petit émerger du travail des artisans les formes des pièces de vaisselle, de statuaire, et du travail des danseurs les figures que la porcelaine s’est ingéniée à représenter. La boucle est ainsi patiemment bouclée, la vie et l’imitation de la vie se tiennent par la main, il est des entre-deux plus inconfortables. Et de la patiente inscription du travail d’imitation de la vie dans les lieux de la vie (les hangars, les salles de stockage des moules, les allées de la manufacture, les casiers où s’endorment les pièces) naît le sentiment, lui aussi rassurant, que si le travail artisanal de la porcelaine est incontestablement un art, le travail artistique de la danse est incontestablement un artisanat. Pas de primauté, donc, une attention mutuelle que l’installation réalise.
Un mot encore : c’est une affaire délicate entre toutes de filmer l’architecture, la danse, le travail, sans doute à cause de leur puissance d’abstraction concomitante à leur force d’incarnation. Ici, grâce à Arnold Pasquier, à droite comme à gauche tout est en ordre : les choix, les cadrages, les durées et les plans, dans un calme qui laisse à la réflexion tout loisir de se déployer. L’empreinte est prise, la porcelaine s’est animée, l’immense, la souveraine fragilité de tout cela vient de s’offrir une chance de plus de ne pas sombrer dans l’oubli…
Mathieu Riboulet, août 2008, pour la Compagnie des prairies
Mathieu Riboulet est écrivain. Il a publié quatre romans chez Maurice Nadeau (Un sentiment océanique, Mère Biscuit, Quelqu’un s’approche, Le Regard de la source) et trois chez Gallimard (Les Âmes inachevées, Le Corps des anges, Deux larmes dans un peu d’eau). L'Amant des morts, son dernier roman, à paru chez Verdier.
Julie Desprairies est chorégraphe. Elle travaille sur les rapports entre le mouvement et l’architecture. Son goût pour une danse concrète, liée aux sites investis l’a amenée à s’intéresser aux gestes du travail. www.compagniedesprairies.com
Juliette Barbier est plasticienne. Elle travaille pour la danse et le théâtre comme costumière et scénographe. Ses multiples projets personnels (expositions, éditions, recherches) traitent souvent du textile.
Elise Ladoué est danseuse. Elle travaille pour plusieurs compagnies ou collectifs et a créé avec Félicia Atkinson l’association Gingembre pour développer ses propres projets de performances et de concerts.
Nedjma Merahi est danseuse et assistante chorégraphe sur plusieurs projets de Julie Desprairies depuis la création de la Compagnie des prairies en 1998.
Olivier Renouf est danseur et chorégraphe. Il dirige avec Erika Zueneli la compagnie L’Yeuse.
Les Trois Contents a été créé dans le cadre d’une résidence de la Compagnie des prairies à la Manufacture nationale de Sèvres, avec le soutien du Conseil général des Hauts-de-Seine et de la Caisse des Dépôts.