Une série de photographies • 1995/2000
[English below]
À la fin des années 80, je récupère un petit appareil photo de la marque Mixox (35GT), léger et équipé d’un objectif de 35mm. Je m’en empare pour composer une série de photographies prises bras tendu, en compagnie de mes amis. Cet appareil fragile me réservera quelques déconvenues, notamment lorsque son obturateur se bloque, obscurcissant toute une pellicule (et la réparation de l'appareil coûtant à l'époque 500 francs, une somme…).
[Je garde un souvenir précis d’une photo que je n’aurai jamais : celle prise par mon amie Angela Allegrezza. C’était un après-midi de juin 89, au Mistral, le bar situé au pied du Théâtre de la Ville à Paris, en compagnie de Natalia De Barros. La chorégraphe Pina Bausch se lève pour quitter l’établissement. Je demande à Angela de prendre une photo avec le Minox. Elle se précipite sur le trottoir, cadre à la volée et déclenche. Pina Bausch fait une moue embarrassée, mais sourit également. Angela revient, honteuse de son geste de groupie maladroite. Pas de quoi, ma belle, la pellicule n’est pas impressionnée ; l’obturateur s’est encore une fois bloqué et toute la bobine revient noire du laboratoire.]
Pendant quelques années, je réalise une série d’images sans autre motivation que le plaisir de saisir un instantané de présence auprès de ma famille, mes amis et amants. Ces photographies, constituant une « suite » de portraits, serviront de base à l’installation Nous n’allons pas mourir, produite et présentée au Fresnoy en 1998. En raison des pannes répétées de l’appareil, je finirai par l’abandonner, remplacé par des machines plus lourdes. Puis, avec l’arrivée des smartphones, je joindrai mon geste à ce concert mondialisé des « selfies », m’amusant à proclamer que j’en ai inventé le concept.
Je conclus la série en 2000 (quelques années après l’abandon du Minox), même si j’ai continué régulièrement, mais sans doute de façon moins systématique, à retourner l’appareil photo pour me tirer ou tirer le portrait. Puis, l’avènement du smartphone a propulsé cette mise en scène de soi au point d’en consacrer le genre et de lui donner un nom.

At the end of the 1980s, I got hold of a small Mixox (35GT) camera, light and equipped with a 35mm lens. I seized it to compose a series of photographs taken at arm’s length, in the company of my friends. This fragile device would bring its share of disappointments, notably when its shutter got stuck, rendering an entire roll of film useless (and with the repair costing 500 francs at the time—a small fortune…).
[I have a vivid memory of a photograph I will never have: one taken by my friend Angela Allegrezza. It was a June afternoon in ’89, at Le Mistral, the bar at the foot of the Théâtre de la Ville in Paris, with Natalia De Barros. The choreographer Pina Bausch stood up to leave. I asked Angela to take a picture with the Minox. She rushed onto the sidewalk, framed hastily, and clicked the shutter. Pina Bausch made an awkward grimace but also smiled. Angela came back, embarrassed by her clumsy groupie-like gesture. No need, my dear—the film was never exposed; the shutter had jammed once again, and the entire roll came back black from the lab.]
For a few years, I created a series of images with no other motivation than the pleasure of capturing a fleeting presence—of my family, my friends, and lovers. These photographs, forming a “sequence” of portraits, later served as the foundation for the installation Nous n’allons pas mourir, produced and exhibited at Le Fresnoy in 1998. Due to the camera’s repeated failures, I eventually abandoned it, replacing it with heavier machines. Then, with the arrival of smartphones, I joined the global concert of “selfies,” playfully proclaiming that I had invented the concept.
I concluded the series in 2000 (a few years after abandoning the Minox), even though I continued regularly—though perhaps in a less systematic way—to turn the camera around to take my own portrait or that of others. Then, the advent of the smartphone propelled this staging of the self to the point of establishing it as a genre and giving it a name.

Tami, Alcides, Ran

Didier Bastide

Didier Bastide

Aude Clinckemaille

Natalia De Barros

Laurette Pasquier

Laurette Pasquier

Nuno

Matthias Leutrum

François Pasquier

Julien Husson

Gurvan Cloâtre

Frédéric Atlan, Geneviève Houssay

Jules Lefeuvre

Jules Lefeuvre

David Kaner

Jules Lefeuvre

Jean-Paul "John" Armstrong

Didier Bastide

Maria Donata D'Urso

Philippe Mangeot

Guida Marques

Jules Lefeuvre

David Kaner

Natalia De Barros

Natalia De Barros, Joëlle Rollet

Christophe, Aude Clinckemaille

Simona Mambrini

David Kaner

Lilia Sevastianova

Jean Desproges

Jean-Marie

Fred Costa

Natalia De Barros

Jean Desproges

Jean Desproges

Natalia De Barros

Natalia De Barros

Natalia De Barros

Brigitte Daudé

Vladimir Léon

Jules Lefeuvre

Pierre Menahem

Pierre Menahem

Laurette Pasquier

Jean-Claude Pasquier

Gilles Viandier

Emmanuel Marty

Emmanuel Marty

Natalia De Barros

Natalia De Barros

Natalia De Barros

Laurette Pasquier

Caroline Diaz

Philippe Diaz

Caroline Diaz

Natalia De Barros et ses cousines

Marcelle Hodevart

Elie Malka

Francoise Parfait

François Pasquier

Jean-François

Francoise Parfait

Judith Depaule

Fred et Adèle Costa

Natalia De Barros


Julie Thibeaudeau


Françoise Parfait et Maibrit Bjelke

Françoise Parfait

Philippe Diaz

Vladimir Léon

Laurette Pasquier

Laurette Pasquier

Natalia De Barros

Natalia De Barros

Laurette Pasquier

Fred Costa

Laurette Pasquier

Aude Clinkemaille

Henric S. Adler

Natalia De Barros

Dalida

Natalia De Barros, Laurette Pasquier

Natalia De Barros

Maria Donata D’Urso

Philippe Diaz

Caroline Diaz, Natalia De Barros

Didier Bravo

Philippe Mangeot

Marina Babakoff, Fabrice Frigout

Marcelle Hodevart

Natalia De Barros

Luc

Franck Lambert

Dominique Mercy

Laurence Tixier, Caroline Diaz

Julien Lousteau

Julien Lousteau

Simona Mambrini

Simona Mambrini

Vincent Druguet, Lucie Lahoute, Guillaume Chevalier, Laurent Desmet, Frank Lambert

Laurence Tixier

Frank Lambert

Frank Lambert

Frank Lambert

Frank Lambert

Frank Lambert

Laurette Pasquier

Andy De Groat

Frank Lambert


23 août 2022, Paris.
« Revoir une image », c’est parier sur un retour vers une photographie issue de mes archives, réalisée par moi-même ou un membre de ma famille, ou un.e ami.e. À chaque image, j’adjoins un commentaire, une légende aussi factuelle que possible, pour faire émerger, du souvenir, la présence d’un instant suspendu à l’oubli.
Le geste de « revoir une image » devient ici une tentative de réactiver la mémoire enfouie, non pas en la forçant, mais en la laissant émerger à travers une description. Cette démarche invite à interroger le rapport entre l’image, l’oubli, et le souvenir : que reste-t-il d’un instant photographié lorsque les émotions qui lui étaient liées s’estompent ? En adjoignant une légende factuelle, je propose un « lieu » qui permet à l’image de « parler » par elle-même, libérant une interprétation plus universelle. Cet « instant suspendu » devient alors un point de rencontre entre un regard passé et présent, mais aussi entre l’intime et le collectif.