En 1984, lors d’une soirée, je fais la rencontre de Sylvie Ugolini, une jeune femme au style original, qui devient immédiatement une amie précieuse. Son allure et les vêtements qu’elle crée elle-même m’inspirent, insufflant une fantaisie nouvelle à cette époque où jeune lycéen, je sors de l’adolescence. Quelques mois plus tard, Sylvie quitte la France pour rejoindre sa famille à Senigallia, petite ville balnéaire des Marches, en Italie, où elle retrouve un ami styliste, Enrico Castelli. Enrico prépare un défilé inspiré par le thème de l’Égypte et, apprenant que j’ai commencé à coudre des vêtements, sur les recommandations de Sylvie, m’invite à les rejoindre l’été suivant pour présenter mes créations lors d’un défilé à Ancône. Je dessine et couds une vingtaine de costumes.
Cette photographie, issue d’une série réalisée par mon amie Murielle Hladik au mois de juillet 1985, quelques jours avant mon départ pour l'Italie, présente l’un de ces costumes et son collier, composé de raccords de plomberie et d’anneaux récupérés dans la boîte à outils de mon père. L’image a été prise dans les ruines d’un centre commercial inachevé à Périgny-sur-Yerres, site suggéré par Murielle, qui offre une scène à l'un de mes premiers vêtements.
« Revoir une image », c’est parier sur un retour vers une photographie issue de mes archives, réalisée par moi-même ou un membre de ma famille, ou un.e ami.e. À chaque image, j’adjoins un commentaire, une légende aussi factuelle que possible, pour faire émerger, du souvenir, la présence d’un instant suspendu à l’oubli.
Le geste de « revoir une image » devient ici une tentative de réactiver la mémoire enfouie, non pas en la forçant, mais en la laissant émerger à travers une description. Cette démarche invite à interroger le rapport entre l’image, l’oubli, et le souvenir : que reste-t-il d’un instant photographié lorsque les émotions qui lui étaient liées s’estompent ? En adjoignant une légende factuelle, je propose un « lieu » qui permet à l’image de « parler » par elle-même, libérant une interprétation plus universelle. Cet « instant suspendu » devient alors un point de rencontre entre un regard passé et présent, mais aussi entre l’intime et le collectif.
revenir