TERRA INTIMA - 29 courts métrages - 80' - 2020
Atelier arts-plastiques / vidéo - Jean-Luc Bichaud & Arnold Pasquier - ENSA-PB 2020
TERRA INTIMA est un atelier arts plastiques/vidéo mené à l’École d’architecture de Paris-Belleville en 2019-2021. L’exercice initial, proposé à des étudiants de Licence 2, consistait à réaliser collectivement un film sur l’architecture de leur école sous forme de « cadavre-exquis ». Chaque groupe produisait une séquence en explorant des thématiques comme les textures ou la lumière, et les épisodes étaient assemblés en un film cohérent, mettant en scène l’espace scolaire sous un angle créatif et inédit.
Avec la pandémie de 2020, l’atelier s’est transformé en une démarche individuelle adaptée au confinement. Les étudiants ont été invités à réaliser des courts métrages sur leur lieu de résidence, reflétant leur vécu intime et spatial à travers une thématique choisie (couleur, matière, transparence…). Les films ont été produits avec les moyens disponibles (smartphones, caméras personnelles) et accompagnés par des échanges réguliers en visioconférence.
Ces créations ont permis d’explorer la sensibilité artistique des participants et de constituer une cartographie intime et collective de cette période singulière. Les films, journaux visuels du confinement, révélaient une diversité d’approches — expérimentales, fictionnelles ou introspectives — et témoignaient d’un geste d’existence audacieux face aux contraintes du moment.
CORPS Lamia Akesbi, Lucas Auvard, Romane Boury, Justine Garde, Élisa Helson,Charlotte Valtin
COULEUR Xuan Anh Bui, Julia Clesse-Cuillandre
EXTÉRIEUR Rim Adkim, Remy Attanasio, Charline Badia, Salma Boujamane, Keziah Brafman, Maréva Briaud, Salviana Carissa, Élisa Cognet, Pierre Coste, Marius Delis
JARDIN Camille Clavier, Paolina Gady, Naomie Haziza, Paul Jacquet
TRANSPARENCE Pierre Boitier, Ombeline Chevoir, Doriane Debert, Blandine Engels, Anouk Fontaine
MATIÈRE Diana-Léa Groud, Élisa Baudet
Terra Incognita est un exercice collectif proposé en cinq à six séances aux étudiants de Licence 2 à l’école d’architecture de Paris-Belleville. Ils doivent réaliser un film qui traite du sujet de l’architecture, à travers une enquête dans le bâtiment scolaire, sous la forme finale d’un « cadavre-exquis ». Chaque groupe, composé de quatre étudiants, prend en charge la réalisation d’une partie du film et les « épisodes » sont assemblés selon un ordre défini. Le choix du sujet pour chacune des parties est à sélectionner dans une liste de sept propositions thématiques qui déploient des questions relatives aux matières, textures, couleurs et volumes du bâtiment. Chaque groupe travaille de façon autonome, sans connaitre les réalisations des autres unités. Seul l’ordre de montage final des groupes est donné : chaque groupe doit donc s’organiser afin que le début de son film puisse s’accorder avec la thématique du film précédent. De même, la fin du film doit annoncer la thématique du film suivant. Ainsi, lors du montage final, le film se révèle comme un ensemble homogène.
Cet exercice, exclusivement réalisé dans l’enceinte de l’école, permet de mettre l’accent sur les notions d’espace, de lumière, de transparence, de profondeur de champs. Il invite à un mouvement dans le bâtiment, et envisage le lieu quotidien d’enseignement comme une terre inconnue, révélée par une mise en scène plastique et cinématographique.
L’atelier se déroule sur un rythme alerte et soutenu. Les séances se répartissant en repérages, écriture du scénario, tournage et montage. Le matériel de réalisation est fourni par l’atelier vidéo de l’école, chaque groupe bénéficiant de la même caméra et d’une station de montage. L’exercice est envisagé comme une introduction à une réflexion sur l’usage du langage de l’image animée au service de l’architecture ainsi que sur les qualités plastiques des espaces, spécifiques à l’école de Belleville, où l’usage de la couleur, les transparences, les ouvertures sont l’objet d’une attention particulière. Une initiation audio-visuelle que les étudiants pourront développer, parallèlement à d’autres options d’arts-plastiques (peinture, sculpture, design, photographie, gravure…), en licence3 et en master.
En avril 2020, la situation sanitaire française ne permettait pas d’envisager un retour à l’école pour les étudiants et les enseignants. Il fallut adapter cet exercice collectif à une proposition individuelle réalisable et compatible avec un état confiné, dans différents lieux du territoire. Nous avons alors proposé, contre mauvaise fortune, bon cœur, de mettre à profit cette expérience du confinement, vécu par chacun de façon différente, pour réaliser un film de court métrage qui témoignerait de la façon dont chacun vivait la situation. Nous avons fait le pari d’une attention circonstanciée aux lieux, d’une acuité aux intérieurs des logement, à l’extérieur autorisé à la circulation, comme un balcon, une terrasse ou un jardin. Chaque étudiant a choisi un thème dans une liste préétablie (couleur, matière, jardin, corps, transparence…) et affirmé un parti-pris personnel de mise en scène afin de filmer un « portrait » de l’intimité de son lieu de résidence. Nous comptions sur la qualité de l’attention de chacun pour rendre compte de ce qui était vécu intimement et percevions que c’était là l’occasion de mettre à profit une sensibilité plastique, des aptitudes artistiques pour réaliser la partie d’un tout qui serait le portrait, individuel et collectif du confinement d’un groupe dispersé.
Compte-tenu du mode opératoire exceptionnel, les films ont été réalisés avec les moyens techniques à la disposition de chacun. Les étudiants pouvaient utiliser les caméras de leurs téléphones, le mode film d’un appareil photo ou une caméra. Le montage était conseillé, mais des projets tournés en plan-séquence étaient acceptés. Le suivi de l’atelier était assuré par un rendez-vous hebdomadaire en visioconférence, pour répondre aux questions techniques et le suivi individuel, film par film, par mail, grâce à l’envoi des essais vidéo sous forme de fichiers numériques.
Nous assurions chacun de notre bienveillance vis-à-vis de ses essais, tentatives et hésitations, en encourageant les preuves d’initiative et d’audace, dans une découverte que nous souhaitions la plus libre possible. Nous appuyions également notre proposition sur la multiplication des exemples de films collectifs, des contributions de groupes constitués (comme les danseurs de l’opéra de Paris) ou d’amis qui composaient, à distance, un film, qu’il soit musical, chorégraphique ou cinématographique, diffusés sur les réseaux sociaux.
L’expérience fut profitable. Chacun s’est emparé du film qui, au-delà de l’exercice, permettait un regard, un miroir rétrospectif sur une situation vécue alors comme originale, inquiétante, inaccoutumée. Les films devenaient pour nous — enseignants, spectateurs de leurs écritures ¬— le journal d’un confinement, que le sujet soit abordé frontalement ou bien qu’il ne soit qu’une évocation, prise dans un récit expérimental ou bien fictionnel. Nous traversions au gré d’une vingtaine de films des lieux, des situations, des corps, qui affirmaient une présence inattendue, un geste obstiné d’existence malgré les contraintes du temps présent. Nous avions ainsi des nouvelles régulières d’étudiants que nous n’avions jamais rencontrés autrement que par l’image qu’ils voulaient bien donner d’eux-mêmes, à la fois audacieux et réservés. Nous découvrions des chanteuses, de musiciens, des danseuses, des acteurs et des metteurs en scène de leurs quotidiens et de leurs aspirations. L’ensemble composait la cartographie d’un territoire disparate — l’une dans un studio devant le périphérique de Paris, l’autre dans le jardin d’une villa au bord de la mer — mais tous attentifs à la qualité d’un temps qui passe différemment, que le cadre de l’image permettait de révéler. Il y avait un horizon que les films rejoignaient de séquence en séquence, la promesse de se rencontrer par l’image offerte au regard.