Les travaux présentés dans l'onglet ENSEIGNEMENTS sont le résultat d’ateliers de réalisations (cours, workshops) proposés aux étudiants d’écoles de design et d’architecture. Les thématiques abordent la question du corps et de leurs représentations en relation à l’espace et à l’architecture.
Exercices vidéo à l'attention des étudiants de Licence "2" - 2021
Atelier arts-plastiques / vidéo - Anne-Charlotte Depincé, Jean-Luc Bichaud & Arnold Pasquier - ENSA-PB 2021
En 2021, en raison du confinement lié à l'épidémie de Covid-19, le projet initial de réalisation d'un film collectif intitulé Terra Incognita, prévu pour être tourné en groupes à l'École nationale d'architecture de Paris-Belleville, a dû être repensé. Chaque étudiant a alors réalisé une série d'exercices individuels dans son lieu de résidence, avec les moyens dont il disposait.
Le montage rassemble une sélection de ces travaux, organisés en séquences thématiques.
Terra Intima est un atelier d’arts plastiques et vidéo mené à l’École d’architecture de Paris-Belleville entre 2019 et 2021. L’exercice initial, proposé à des étudiants de Licence 2, consistait à réaliser collectivement un film sur l’architecture de leur école sous la forme d’un « cadavre exquis ». Chaque groupe produisait une séquence en explorant des thématiques comme les textures ou la lumière, et les épisodes étaient assemblés pour former un film cohérent, mettant en scène l’espace scolaire sous un angle créatif et inédit.
Avec la pandémie de 2020, l’atelier s’est transformé en une démarche individuelle adaptée au confinement. Les étudiants ont été invités à réaliser des courts métrages sur leur lieu de résidence, reflétant leur vécu intime et spatial à travers une thématique choisie (couleur, matière, transparence…). Les films ont été produits avec les moyens disponibles (smartphones, caméras personnelles) et accompagnés d’échanges réguliers en visioconférence.
Ces créations ont permis d’explorer la sensibilité artistique des participants et de constituer une cartographie intime et collective de cette période singulière. Les films, véritables journaux visuels du confinement, révélaient une diversité d’approches — expérimentales, fictionnelles ou introspectives — et témoignaient d’un geste d’existence audacieux face aux contraintes du moment.

TERRA INTIMA 2021 - les exercices (une sélection) 60'

Terra Incognita : un exercice collectif
Cet exercice collectif, proposé en cinq à six séances aux étudiants de Licence 2, les invitait à réaliser un film traitant de l’architecture à travers une enquête dans le bâtiment scolaire, sous la forme finale d’un « cadavre exquis ». Chaque groupe de quatre étudiants réalisait une partie du film, et les « épisodes » étaient assemblés selon un ordre défini. Le sujet de chaque séquence devait être choisi parmi une liste de sept thématiques explorant des questions liées aux matières, textures, couleurs et volumes du bâtiment. Chaque groupe travaillait de façon autonome, sans connaître les réalisations des autres unités. Seul l’ordre de montage final était communiqué : chaque groupe devait s’organiser pour que le début de son film puisse s’accorder avec la fin de la séquence précédente et que la fin de son propre film introduise la séquence suivante. Ainsi, lors du montage final, le film devenait un tout homogène.
Exclusivement réalisé dans l’enceinte de l’école, cet exercice mettait l’accent sur les notions d’espace, de lumière, de transparence et de profondeur de champ. Il invitait à un mouvement dans le bâtiment et proposait de redécouvrir le lieu quotidien d’enseignement comme une terre inconnue, révélée par une mise en scène plastique et cinématographique.
L’atelier se déroulait sur un rythme soutenu, avec des séances dédiées aux repérages, à l’écriture du scénario, au tournage et au montage. Le matériel de réalisation était fourni par l’atelier vidéo de l’école : chaque groupe disposait d’une caméra identique et d’une station de montage. L’exercice était conçu comme une introduction à la réflexion sur l’usage du langage de l’image animée au service de l’architecture et sur les qualités plastiques des espaces spécifiques à l’école de Belleville, où la couleur, les transparences et les ouvertures font l’objet d’une attention particulière. Cette initiation audiovisuelle pouvait ensuite être approfondie par les étudiants en Licence 3 et en Master, parallèlement à d’autres options d’arts plastiques (peinture, sculpture, design, photographie, gravure…).
Adaptation au contexte de confinement
En avril 2020, la situation sanitaire en France ne permettait pas d’envisager un retour à l’école pour les étudiants et les enseignants. Il a donc fallu adapter cet exercice collectif en une proposition individuelle réalisable dans un contexte de confinement, dans divers lieux du territoire. Nous avons alors proposé, contre mauvaise fortune bon cœur, de tirer parti de cette expérience, vécue différemment par chacun, pour réaliser un court métrage témoignant de la manière dont chaque étudiant vivait cette période inédite.
Nous avons fait le pari d’une attention particulière aux lieux, d’une acuité aux intérieurs des logements et aux rares extérieurs accessibles, comme un balcon, une terrasse ou un jardin. Chaque étudiant a choisi un thème dans une liste préétablie (couleur, matière, jardin, corps, transparence…) et affirmé un parti pris personnel de mise en scène pour filmer un « portrait » intime de son lieu de résidence. Nous comptions sur la qualité de leur regard pour traduire ce vécu et avions conscience que cette expérience était l’occasion de mobiliser leur sensibilité plastique et leurs aptitudes artistiques, dans l’objectif de composer un portrait collectif et fragmenté du confinement.
Compte tenu des conditions exceptionnelles, les films ont été réalisés avec les moyens techniques à la disposition de chacun : caméras de téléphone, appareils photo ou caméras personnelles. Le montage était conseillé, mais des projets en plan-séquence étaient acceptés. Le suivi de l’atelier s’est organisé autour de rendez-vous hebdomadaires en visioconférence, pour répondre aux questions techniques, ainsi qu’un accompagnement individuel par mail, avec l’envoi des essais vidéo sous forme de fichiers numériques.
Nous avons fait preuve de bienveillance envers les tentatives et hésitations des étudiants, en les encourageant à prendre des initiatives et à faire preuve d’audace. Nous avons aussi alimenté la réflexion en leur montrant des exemples de créations collectives réalisées à distance, comme celles de groupes d’artistes (danseurs de l’opéra de Paris, musiciens…) qui composaient, malgré la séparation, des œuvres diffusées sur les réseaux sociaux.
Un journal collectif du confinement
L’expérience a été riche et formatrice. Chaque étudiant s’est approprié l’exercice, qui, au-delà d’un simple travail académique, devenait un miroir rétrospectif d’une situation vécue comme inédite, inquiétante et déroutante. Pour nous, enseignants et spectateurs de ces créations, les films constituaient un véritable journal de confinement, qu’il soit abordé frontalement ou évoqué de manière plus indirecte, dans des récits expérimentaux ou fictionnels.
À travers une vingtaine de films, nous avons traversé des lieux, des situations et des corps qui affirmaient une présence inattendue, une volonté obstinée d’exister malgré les contraintes. Nous avons ainsi eu des nouvelles régulières d’étudiants que nous n’avions jamais rencontrés autrement que par l’image qu’ils donnaient d’eux-mêmes, à la fois audacieuse et pudique. Nous avons découvert des chanteuses, des musiciens, des danseuses, des acteurs et des metteurs en scène de leur quotidien et de leurs aspirations.
L’ensemble composait une cartographie disparate — l’un dans un studio face au périphérique parisien, l’autre dans le jardin d’une villa au bord de la mer — mais tous attentifs à la qualité d’un temps suspendu que le cadre de l’image permettait de révéler. De séquence en séquence, les films traçaient un horizon commun, une promesse implicite : celle de se rencontrer un jour, au-delà de l’écran, par l’image offerte au regard.
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